Les santons attendent-ils les rois mages ?
Sur un des nombreux sites se réclamant de Julius Evola... signe des temps, un auteur qualifiait les santons de "petits dieux du peuple". Je connais Evola depuis plus de quarante ans, abonné que j'étais au quotidien «Combat» où écrivait jadis Gabriel Matzneff, alors proche de François Mitterrand sur le plan politique et du baron nietzschéen et fasciste italien sur le plan idéologique.
Le commentaire se référait à l'article de JP.Brighelli à propos des crèches de la nativité (voir par ailleurs sur ce blog), la radicalisation de Brighelli évoque aussi des réminiscences. Mes références bien différentes me font penser que le contingent exprime le nécessaire et c'est une autre source qui m'a incité à écrire ce billet. J'ai été amené à consulter les mémoires (1824) du général Jean-Julien Savary qui, au début de sa carrière, combattait côté républicain contre la Vendée militaire. Il illustrait les rapports complexes entre les populations locales et le fait religieux par l'anecdote suivante : le curé de Melay (Maine-et-Loire) avait eu, sous la monarchie, maille à partir avec ses paroissiens à cause d'une malencontreuse initiative, il avait remplacé une antique statue de bois d'un saint, fendue et usée par le temps, par une statue toute neuve en pierre . Mal lui en avait pris : la nouvelle statue ne pouvait plus faire de miracles ! L'Eglise romaine pas plus que la Convention nationale n'y pouvaient mais.
L'Eglise catholique romaine a comme fondement l'unité de la révélation et la tradition. La révélation, c'est le «mystère de la foi», la rédemption et la résurrection, le saut pascalien, la tradition, c'est ce que l'Eglise catholique retient dans les récits populaires qui lui sont antérieurs, hostiles ou parallèles et qu'elle peut imposer pour maintenir ou rétablir une adhésion populaire épisodique, bien éloignée de celle de Joseph Ratzinger (je ne m'avancerai pas sur celle de Bergoglio). Les identitaires de tout poil, héritiers de la Vendée militaire, l'ont bien compris à propos de cette affaire des crèches dans les lieux publics (et ailleurs et partout si l'on en croit le cloud médiatique), au point que la polémique publique a tout emporté sur son passage au sein même de l'épiscopat français, remettant au premier plan un Jean-Michel di Falco contre les réticences marquées de l'évêque de Clermont ou les hésitations du « Primat des Gaules ». La base de cette polémique consistait à nier ou occulter le caractère particulier d'une mairie ou d'un Conseil général pour faire de la société un grand Tout dans laquelle l'hégémonie d'une autorité issue des forces vitales de ladite société devait se manifester, derrière les inoffensifs santons, contre Marianne, protectrice honnie des allogènes.
« Dès les temps antiques on a reconnu qu’il existait une analogie entre l’être humain et cet organisme plus grand qu’est l’État. La conception traditionnelle de l’État – conception organique et articulée – a toujours reflété la hiérarchie naturelle des facultés propres à un être humain au plein sens du terme, chez lequel la partie purement physique et somatique est dominée par les forces vitales, celles-ci obéissant à la vie de l’âme et au caractère, tandis qu’on trouve au sommet de tout l’être le principe spirituel et intellectuel, ce que les stoïciens appelaient le souverain intérieur, l’egemonikon. En fonction de ces idées, il est évident que toute forme de démocratie se présente comme un phénomène régressif, comme un système dans lequel tout rapport normal est renversé. » (J.Evola)
C'est aussi la confirmation qu'en réinvestissant le champ politique, l'Eglise catholique ramène dans son sillage des forces qui ne sont guère chrétiennes, mais qui derrière Evola et Guénon, partagent , sous un parapluie romain, une vieille idéologie qui s'en prend à la démocratie elle-même. Et qui préfère les moutons de la crèche aux individus.