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Publié par Michel GODICHEAU

BAL AU KREMLIN.

 

Les circonstances m'ont fait relire quelques pages du livre de Curzio Malaparte, bien meilleur que «Tintin au pays des Soviets », même si Hergé et Malaparte se sont un peu retrouvés du même côté. Parlons de côté, justement. Et voyons Benjamin Péret :

 

« Les guerres comme celle que nous subissons ne sont possibles qu’à la faveur d’une conjonction de toutes les forces de régression et signifient, entre autre choses, un arrêt de l’essor culturel mis en échec par ces forces de régression que la culture menaçait. Ceci est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’insister. De cette défaite momentanée de la culture découle fatalement un triomphe de l’esprit de réaction, et, d’abord, de l’obscurantisme religieux, couronnement nécessaire de toutes les réactions. Il faudrait remonter très loin dans l’histoire pour trouver une époque où Dieu, le Tout-Puissant, la Providence, etc., ont été aussi fréquemment invoqués par les chefs d’Etat ou à leur bénéfice »

 

Et s'il est toujours réjouissant de relire « Le déshonneur des poètes » pour retrouver Aragon et Eluard à leur vraie place (Ah ! Ces générations de collégiens à qui l'on a infligé Eluard sans leur parler de l'Ode à Staline) il faut aussi se souvenir de la derniere phrase :

 

« Tant que les fantômes malveillants de la religion et de la patrie heurteront l’aire sociale et intellectuelle sous quelque déguisement qu’ils empruntent, aucune liberté ne sera concevable : leur expulsion préalable est une des conditions capitales de l’avènement de la liberté. Tout « poème » qui exalte une « liberté » volontairement indéfinie, quand elle n’est pas décorée d’attributs religieux ou nationalistes, cesse d’abord d’être un poème et, par suite, constitue un obstacle à la libération totale de l’homme, car il le trompe en lui montrant une « liberté » qui dissimule de nouvelles chaînes. Par contre, de tout poème authentique s’échappe un souffle de liberté entière et agissante, même si cette liberté n’est pas évoquée sous son aspect politique ou social, et, par là, contribue à la libération effective de l’homme. » (B .Péret – Le Déshonneur des poètes - Mexico 1945)

 

Mais je rends grâces à Malaparte de m'avoir montré Maïakovski dans un monde aussi réel que ceux d'une beuverie de Friedrich Engels ou d'un dîner dominical chez les Marx, où Tussy rêvait d'amour en s'ennuyant. Pas une raison pour se complaire aujourd'hui avec un ambassadeur de Poutine.

 

 

Jaurès – Vladimir Maïakovski -1924

 

 

C’est novembre mais la foule serrée a très chaud.

 

Je suis là debout et regarde longuement :

sur les pneus devant moi roulent de grosses boules en tricornes.

Ayant lavé leurs mains rougies par la guerre

et ayant soupesé les chances des rouges

ils se sont mis en tête un nouveau commerce :

ils veulent spéculer sur Jaurès.

Ils diront aux travailleurs :

Regardez lui aussi est avec nos grands hommes.

Jaurès un authentique français

ne dérangera plus même au Panthéon.

 

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