L'alphabet de Plovdiv.
Le Palais des Nations de Genève accueille chaque année des dizaines d'expositions. L'une d'elle était récemment consacrée à une production collective d'artistes de Plovdiv, la deuxième ville de Bulgarie (712 000 habitants) ; à chaque artiste une lettre de l'alphabet cyrillique était assignée, qu'il interprétait à sa manière. Ma première réaction fut un recul devant l'expression religieuse et nationaliste de certaines toiles. Et puis j'y suis retourné et me suis aperçu que la palette complète des rapports au pays, à la nation, mais aussi au travail et à la vie était représentée. A proximité, Erdogan Pacha semble avoir réussi son contre-coup d’État : à Xanthi, Alexandroupolis, Komotini, des manifestations de Grecs turcophones ont eu lieu, avec des milliers de personnes, pour soutenir celui que les manifestants considèrent comme leur protecteur. Je n'ai pas vu qu'au delà du Rhodope, il y ait eu de manifestation à Plovdiv, mais c'est par la Bulgarie que passaient, dit-on, les manuels inspirés du parti du Bien-Etre, aux temps où Erdogan travaillait avec Fetullah Gülen. A l'étage du dessous, des vacanciers bulgares rigolards font leurs valises ; ils écoutaient en faisant leurs grillades tant du Kusturica que de la musique traditionnelle : dans trois heures ils seront de retour chez eux. Les Stambouliotes, nombreux, étaient rentrés après les congés de l'Aïd el Fitr, juste avant la tentative de coup d’État. Combien sont emprisonnés ? Combien ont participé aux manifestations pro-régime ? Les destins individuels basculent vite en ces temps de terrorisme et de reprise des vieux conflits. Si l'Europe avait un jour compris la Porte, elle n'aurait pas laissé massacrer chez eux les 7000 musulmans de Srebrenica, ou alors elle y était pour quelque chose, allez savoir ! Réfléchissons pendant qu'il en est encore temps : la fédération des nations et peuples libres des Balkans, me paraît encore une excellente idée.