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Publié par Michel GODICHEAU

 

Au lendemain des élections municipales en Tunisie, marquées par une forte abstention et un très relatif succès des islamistes d’Ennahda (mouvement de la renaissance ), l’inquiétude est palpable. L’environnement est difficile : la Libye est détruite, les migrants se massent face à Lampedusa, l’Algérie paraît figée dans une glaciation fissurée qui transpire à travers la frontière et au Sud prospèrent bandes armées et trafiquants. Pourtant 57 000 candidats (dont la moitié de femmes) sollicitaient les suffrages pour installer les premières municipalités élus d’après la révolution de 2011. Mais le coeur n’y est plus ! Il y a à cela de multiples raisons.
J’ai retrouvé l’image de couverture du magazine de « La Presse de Tunisie » du dimanche 25 mars 2018 : on y voit une écolière faire du stop sous l’orage et la pluie d’hiver (il a beaucoup plu cet hiver en Tunisie), pour rentrer chez elle. Derrière elle, l’école surmontée du drapeau rouge tunisien : chez elle c’est peut-être à des kilomètres et dans les zones rurales, les routes ne sont pas toujours sûres. Et demain matin, il faudra recommencer dans l’autre sens. Et de nuit.
Le dossier de ce magazine est consacré au problème du transport scolaire. L’éditorialiste Chokri Ben Nessir note :
«  Le ramassage scolaire n’est pas assuré dans les villages enclavés. Pourtant il est une des premières causes de l’abandon scolaire qui se trouve aujourd’hui au carrefour de tous les maux qui traumatisent notre société : délinquance, immigration non régulière, criminalité, chômage, radicalisation etc. » (p. 3)
Mais l’édito veut aussi souligner l’oeuvre accomplie en ce domaine par une ONG qui transporte quotidiennement 10000 élèves. Un article apprend que là où le système fonctionne, par exemple dans la région de Kairouan, l’absenteisme a été réduit de façon très significative. Les pages intérieures nous apprennent néanmoins que sur 130000 élèves dans ces zones, l’action cumulée de l’État et de l’ONG ne concerne que 22 000 élèves.
La Tunisie peut s’enorgueillir d’un taux d’alphabétisation des 15-24 ans de 96 % pour les filles et de 98 % chez les garçons (UNICEF). Pourtant cet acquis est menacé par les conditions matérielles dans lesquelles peut s’exercer ce droit ce dont témoignait au même moment une grève des enseignants tunisiens.
Cette tendance à sous-traiter à des ONG (qui ont évidemment d’autres objectifs) l’effort pour assurer l’accès à l’enseignement n’est d’ailleurs pas propre à la Tunisie. Elle est même un signe des temps, lorsque la prétendue « société civile » est sollicitée pour prendre des initiatives médiatisées là où l’État n’a pas l’autorité pour ordonner un prélèvement fiscal sur la plus-value produite pour financer l’investissement scolaire. Mais si les ONG sèment souvent l’espoir, les désillusions qu’elles nourrissent entretiennent la désolation.
Ainsi Bolloré dont la multinationale pille (et apparemment corrompt!) l’Afrique (en même temps qu’elle gave les téléspectateurs français), finançait naguère l’ex soixante huitard Gabriel Cohn-Bendit (le frère aîné de l’autre) pour organiser au Burkina Faso, au Niger et au Mali une scolarisation par les ONG, pour suppléer les insuffisances des Etats. Las, la dernière AG publiée du Repta (Réseau Education pour tous en Afrique), date de 2016 , les caisses étaient vides, Bolloré, la CFAO, Ouest-France semblent avoir disparu et l’AFD, organisme para-officiel de la diplomatie économique française a d’autres priorités. Cohn-Bendit, supplétif depuis plus de 50 ans, est sans doute encore passé à autre chose...ses protecteurs sont, eux, passés à l’opération Barkane, mon adjudant-chef…

 

Une écolière sous la pluie et l'orage dans le Sud tunisien
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