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Publié par Michel GODICHEAU

 

Elle s’appelait Marie-Philomène, on l’appelait Marie Philo, évidemment. Dans le village c’était une intellectuelle, elle était institutrice, pensez donc ! Dans le privé catholique évidemment, c’est presque écrit sur la carte. Son père était sévère et ne s’appelait pas Lacan, mais Athanase, je crois, et il était pieux comme doit être un père (Saint Lacan pardonnez-moi!)

Marie Philo est partie en Afrique, avec des bonnes sœurs évidemment. Elle est revenue catholique comme elle était partie, ça oui, mais de manière particulière, le Mali et les chamanes l’avaient envoûtée et leurs croyances filtraient dans la soirée diapos (était-ce une soirée diapo?) où elle nous a relaté son voyage (c’était au cinéma paroissial, ça j’en suis sûr).

Sur Twitter avant-hier, il y avait la vidéo d’un gars qui faisait une démo dans ses vignes avec la corne de bœuf emplie de bouse, qu’il avait enterrée à la pleine lune : il en délayait le produit dans l’eau qui garderait la mémoire du processus et, si j’ai bien compris, en transmettrait les vertus aux arrosages subséquents.

Si nombre de viticulteurs de la région de Marie-Philo pratiquent la biodynamie, ce n’est pas parce qu’une corne de rhinocéros, emplie d’excréments d’éléphants, pousse depuis l’Afrique jusqu’aux Coteaux du Layon, c’est parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets, même chez Rudolf Steiner.

Dans l’Empire romain tardif, les trinitaires et les arianistes s’opposent. L’instabilité durera jusqu’au IXe siècle. La religion que l’on dit aujourd’hui catholique recule et dans beaucoup de campagnes le paganisme reprend ses droits autour des pierres, des sources et des arbres. Il faut l’autorité permise par l’unification relative du royaume pour que la vraie foi s’impose de nouveau. Les décisions politiques (et financières) de fonder des moustiers (monastères) permettent de reprendre politiquement et religieusement le contrôle des vallées et- plus difficilement – des bocages.

De nouveau, après la Réforme et les guerres de religion, le clergé catholique profite des menses et des messes et se sent bien en ville, laissant dans les campagnes des vicaires soumis à la portion congrue et à la bonne volonté de la paroisse. Les querelles religieuses et les excommunications se passent loin du peuple. Malgré les tortures et les persécutions, sorcières, druides et guérisseurs réapparaissent. L’Église réagira avec Grignon de Monfort et les mulotins qui s’emparant des rochers, des hauteurs et des arbres réintroduiront la terreur et le merveilleux comme fondements de la foi populaire.

Idem au XIXe siècle et au début du XXe, après le repli tactique dû à la République, on repart à l’attaque avec les « apparitions » à Lourdes, La Salette, Lisieux et Pontmain qui marient le merveilleux et la théologie de la « petite voie », une théologie pour les pauvres.

Aujourd’hui où la maigre prêtraille nouvelle se partage plutôt entre curés fachos et curés cartes de séjour, les rochers tiennent bon, les pélerinages dans les forêts et sur les chemins médiévaux progressent de nouveau : le vieux symbole mithraïque de la corne, fut-il rempli de bouse de vache, permet de vendre du vin blanc avec un label dédié à Déméter, fille de Chronos et de Rhéa. Non, on n’est pas sorti du canton de Thouarcé ! Simplement ça se vend bien aussi dans la twittosphère !

Les pratiques magiques sont toujours là et Blanquer vient même de leur dédier des éco-délégués de classe pour tenter de contrôler les pérégrinations climatiques.

Twittosphère et   canton de Thouarcé.
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