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Publié par Michel GODICHEAU

الْمَنَاخ

 

Je suis passé de l’Almanach du Pèlerin que ma grand-mère recevait, à l’Almanach de Sébastien Faure. Et puis j’ai reçu l’Almanach de Michel Eliard, publié par « Les Éditions de la Libre Pensée ». sous le titre « Entre mémoire et oubli ». C’est en fait un joli petit livre, alors pourquoi l’appelé-je « Almanach » ? Parce que comme dans les almanachs traditionnels on a droit à une double entrée : un exposé chronologique et des rubriques où l’on s’instruit. Et puis ça permet de mettre encore un mot arabe pour emmerder Nunez, Valls , Blanquer et Clavreul. (almanach الْمَنَاخ )
Pour l’entrée chronologique, toute la chaleur, la modestie, la science, l’opiniâtreté militante de ce sociologue , chercheur et écrivain ont bien résonné chez moi qui partage à dix ans d’écart un calendrier et des origines sociales un peu comparable. J’ai connu « l’électrification des écarts » chez mon grand-père en 1953, mais les sols en terre battue étaient déjà à peu près partout remplacés par une chape de ciment lissé, l’événement technologique qui m’a le plus marqué est l’installation de la première machine à laver chez mes parents au début des années 1960 : finis les draps dans la brouette pour aller au lavoir !
Ensuite, les parcours se ressemblent et divergent, se croisent parfois comme me l’a rappelé la photo avec Claude Chisserey ou l’évocation de la révolution portugaise, puis convergent de nouveau. Je suis, à bien des égards, resté un ton en dessous, mais être le camarade, ami et collaborateur de Michel le sociologue et militant est un honneur.
J’ai découvert dans ce livre deux choses simples que ma conscience n’avait jamais formulées, alors quelles étaient là, tout près :
- la première est la double origine théorique du corporatisme, celle qui conduit de Saint-Simon , à Durkheim, ( puis développée par Léon Bourgeois, ajouterai-je, à la jeune garde radicale) ; et celle directement issue de la doctrine sociale catholique. Les deux courants se côtoieront (pas très loin de Pétain - pendant la Première guerre, dans « Les compagnons de l’Université nouvelle »), se sépareront, se retrouveront au pouvoir dès les premiers gouvernements Pétain de 1940-1942 . Ils se querelleront entre partisans de l’Église et « laïques », mais se réuniront toujours pour combattre l’indépendance de la classe des prolétaires et organiser la destruction des libertés et la répression des résistants. Un des ponts entre les deux origines a peut-être été la philosophie de Carl Schmitt, nazi entre les nazis… et revenu à la mode.
- la seconde est formulée dans une note de lecture du livre de Michel Eliard sur Pierre Naville (Naville, la passion de la connaissance) par Mateo Alaluf , sociologue à l’Université Libre de Bruxelles  :
« […] En particulier, le glissement sémantique opéré à présent fréquemment de la notion de qualification à celle de compétence, suppose un rapport différent au temps. En effet « mesurée par le diplôme et l’ancienneté la qualification est définie comme une propriété stable, irréversible, inscrite dans les conventions collectives ». A l’opposé, la compétence apparaît comme « une propriété instable qui doit toujours être objectivée et validée dans et hors l’exercice du travail ». En d’autres termes, le diplôme est « un titre définitif, même si sa valeur peut varier sur le marché alors que la validation des acquis professionnels est toujours incertaine et temporaire. »
A l’heure ou Macron et ses sbires tentent de ressusciter le statut « d’officier de santé » pour soigner les gueux à la place des médecins, je ressens, comme prolétaire, avec une acuité toute particulière cette différence et ses conséquences.
Vous : et Bourdieu, il parle de Bourdieu ?
Moi : oui, il parle de Bourdieu, de Durkheim et de Marx et de la paille que les prolétaires mettaient dans leurs sabots à la place des chaussettes.

Illustration : « La Javanaise » : j’ai trouvé un Eliard, bassiste dans ce groupe, et j’aime bien cette version (l’introduction avant le morceau est un peu longue).

 

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