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Publié par Michel GODICHEAU

 

 

La commémoration des 150 ans de La Commune a vu se croiser deux tendances contradictoires : la hiérarchie catholique a été en pointe pour faire valoir son propre récit (les otages…) et la mobilisation militante a effacé les ternes projets historico-touristiques de Hildago-Brossat. Dans toute la France, mais aussi à l’étranger, des milliers se sont souvenus que le Printemps des Peuples de 1848, ne pouvait qu’être internationaliste et prolétarien.

 

C’est dans cet esprit que j’avais rédigé un article que j’ai transmis à des amies polonaises. Je ne sais si elles parviendront à le faire traduire et publier à Varsovie. En voici quelques extraits.

 

De nombreux patriotes polonais ont dirigé pendant plusieurs semaines les opérations militaires de la Commune insurgée ou y ont contribué. Ils font partie des milliers de militants internationaux qui ont combattu comme communards au printemps de 1871.1 En voici quatre :

 

Jaroslav Dombrovski. (1836-1871) - D’origine nobiliaire et issu des de l’Ecole militaire des Cadets de Saint Petersbourg (où il fut enrôlé à l’âge de 9 ans !) , Jaroslav Dombrowski devint à 19 ans officier du tsar Alexandre II. Investi dans l’organisation secrète « Terre et Liberté » qui comportait des centaines d’officiers russes et polonais, il fut arrêté en 1862, déporté en Sibérie d’où il s’évada pour rejoindre la France. Il était proche de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT)

 

Walery Wroblewski (1836-1908) a un parcours assez comparable. Général de la Commune de Paris, il échappe cependant à la répression et réussit à se réfugier à Londres où il collabore à l’AIT. Marx et Engels l’aident matériellement. On le retrouve en Suisse puis en France, faisant mille métiers, mais toujours actif dans l’organisation de l’émigration polonaise. Selon son vœu, il a été inhumé au Père Lachaise près des autres communards. Une école primaire de Varsovie porte son nom.

 

Paule Mink (Adèle Pauline Mekarski) (1839-1901), issue de la haute noblesse polonaise, après avoir participé en 1870 au combat contre l’envahisseur, elle rejoint la Commune de Paris dont elle sera la propagandiste en province. Elle réussit à passer en Suisse au moment de la répression. Initiée dans une loge du Droit Humain, elle combattra avec Maria Deraisme et André Léo pour les droits politiques des femmes et continuera (souvent avec Louise Michel) son activité militante avec la Libre pensée et le P.O.F. de Jules Guesde.2

 

Ksawera Kawecka-Ladojska (1850-?) )3 est moins connue parce que sa vie est moins documentée, elle est restée dans la mémoire de la Commune (Maitron) comme une libre penseuse haute en couleurs combattant sur les barricades les armes à la main.

 

Les militants polonais de la Commune comptaient suivant les sources entre 200 et 750 combattants (dans le feu de l’action certains sont allés jusqu’à en voir 10000 !). Quelle que soit leur origine , leur combat les avait rapproché de la République sociale. Paule Mink et Ksawera Kawecka-Ladojska participaient aux réunions de clubs politiques dont les locaux se trouvaient dans les églises occupées.

Cet internationalisme inquiétait particulièrement les puissants d’Europe et d’ailleurs. Ceux-là voulaient aider Thiers.

Les Versaillais étaient parfaitement au fait de l’importance des Polonais dans la bataille puisque Thiers avait lui-même adressé une requête à l’ambassadeur du tsar de Russie pour l’aider contre les communards sur ce point. Le tsar avait répondu que, décidément, ces Polonais créaient des problèmes des deux côtés. Thiers avait alors souligné que la question polonaise était la véritable clé pour ouvrir les portes à un accord et qu’il était fier de s’être constamment opposé à donner asile aux révolutionnaires polonais. Thiers est même allé plus loin : il a confié à l’agent du tsar Apollon Mlochowski, journaliste policier qui, en France, signait « de Belina » les fiches de police réunies sous le Second Empire contre les militants polonais.4

[…]

Cette citation étonnante du « Journal Officiel » (de la Commune) , montre quelle place prenait l’internationalisme chez les communards :

« Le soussigné, membre de la commune de Paris, délégué aux relations extérieures, a l’honneur de vous notifier officiellement la constitution du Gouvernement communal de Paris, il vous prie d’en porter la connaissance à votre Gouvernement et saisit cette occasion de vous exprimer le désir de la Commune de resserrer les liens fraternels qui unissent le peuple de Paris au peuple colombien.- Paris le 5 avril 1871. »5

Pour contraste, la vomissure d’Alphonse Daudet  au moment de la « Semaine sanglante » :

« Sauvé, sauvé ! Paris était au pouvoir des nègres ! »

Un historien polonais écrit quant à lui :

« Pour cette raison, et plus encore en raison de la nécessité propagandiste de prouver à la France et au monde que la Commune était avant tout l'œuvre d'aventuriers et de démagogues étrangers, la bourgeoisie victorieuse et le gouvernement de Thiers ont persécuté avec une férocité particulière les émigrés polonais, partisans réels ou supposés de la Commune. »6

...

Les hommes que commandaient Dombrovski et Wrobleski, les « turcos , issus des troupes garibaldiennes, comportaient de nombreux Algériens au même moment où se déployait la « Commune de Kabylie »... Documenter, par exemple, le combat de Mohamed ben Ali ou de ses compagnons « turcos » serait, si c’est possible, un travail intéressant pour de jeunes historiens. Symbole magnifique, le journal de Vallès «  Le cri du peuple », publie le 1° mai 1871 la nouvelle de l’arrivée en gare d’Auxonne de zouaves rapatriés d’Allemagne et porteurs d’une banderole contre Bazaine et l’ordre du jour de Cluseret confiant à Jaroslav Dombroski son dernier commandement.7

...

Un timbre poste à l’effigie de Jaroslav Dombrowski a naguère été édité en Pologne, mais la notice qui l’accompagne ne fait aucune référence à la Commune de Paris . Dans le monde entier ceux qui tremblaient hier devant les communards tremblent aujourd’hui devant le mouvement international des travailleurs et des peuples.

1« Le Maitron » - dictionnaire biographique du mouvement ouvrier en recense plus de deux cents. https://maitron.fr/spip.php?article150222

2 Voir  Louis Couturier : « La Libre Pensée et les femmes – Les femmes et la Libre Pensée » - Editions de la Libre Pensée -2014.

3Selon un site généalogique polonais, elle doit son nom d’épouse à son mari Constantin Wladislav Kavecki, qui combattit comme Communard avec le grade de colonel. (http://www.sejm-wielki.pl/b/psb.11192.1)

4Samuel Bernstein – French political and intellectual history – Paperback 1983 – p 197. Ces fiches et d’autres ignominies furent publiées par Bélina dans « Les polonais et la Commune de Paris » Librairie générale * 1871

5Deluermoz op.cit p.103

6 Sławomir Kalembka, Polskie wychodźstwa popowstaniowe i inne emigracje polityczne w Europie w XIX wieku w: Polska XIX wieku, państwo-społeczeństwo-kultura, pod redakcjąStefana Kieniewicza, Prace Instytutu Historii Polskiej Akademii Nauk, pod redakcjąBogusława Leśnodorskiego, Warszawa 1982.

7https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4683794v/f2.item.r=turcos%201871%20dombrovski.zoom#

Une version germano-gauchiste (c'est moins grave, je pense) du "Temps des Cerises" par Wolf Bierman en souvenir -aussi- de Robert Haveman.

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