Neuchâtel, 26 septembre, la votation fera t-elle un tabac ?
Les électrices et électeurs du Canton de Neuchâtel (État souverain helvétiquement confédéré) sont appelés à se prononcer le 26 septembre sur plusieurs référendums. Une des votations porte sur la question suivante :
« Acceptez-vous la loi du 2 septembre 2020 sur la reconnaissance d’intérêt public des communautés religieuses (LRCR) ? »
La question est simple, mais l’affaire est compliquée, même pour un citoyen helvétique, alors pour un Français…
Le Canton de Neuchâtel pratique depuis 1941 une forme de « Séparation des Églises et de l’État » … qui inclut la reconnaissance de trois religions (Protestante évangélique - majoritaire, catholique romaine (très minoritaire), chrétienne-catholique (ultra-minoritaire)), et la possibilité d’obtenir différentes prestations de la part de l’État.
Précisons un peu (mais pas trop) :
1) Le contexte historique de 1941 : chacun sait ce qui se passe alors en Europe , en particulier en France et dans l’Allemagne nazie toute proche ; en Suisse les partis fascistes , maurassiens ou pro-hitlériens ont été actifs dans les années 1930 (à Neuchâtel l’un d’eux publie « L’Ordre national Neuchâtelois »). Les partisans de la neutralité avaient d’excellentes raisons morales et économiques de mettre le holà. Les journaux les plus antisémites furent interdits, mais dans la foulée, le malaise cardiaque fatal à un dirigeant fasciste lors d’une bagarre à La Chaux de Fonds , fief ouvrier, le Parti Communiste fut interdit. La trouille de la bourgeoisie Suisse lors de la Grève générale de 1918 est toujours présente dans les esprits : le Parti Progressiste National, associé au gouvernement en 1941, est d’ailleurs directement issu des milices anti-ouvrières constituées en 1918. On convainc donc les deux principales Églises protestantes de fusionner et de se séparer (pour l’une d’elle) de l’État avec des avantages à la clé. Ces avantages seront étendus à leurs comparses.
2) Ce régime durera jusqu’à nos jours mais avec des aléas. C’est le Parti Libéral Radical qui le résume le mieux à l’occasion de cette votation (il appelle à voter Non) :
« La reconnaissance d’utilité publique de nouvelles communautés religieuses touche un aspect fondamental de notre société. Elle a des conséquences importantes :
› Le droit d’enseigner librement dans les écoles publiques ;
› La possibilité de recevoir des subventions de l’État ;
› La possibilité de demander à l’État de percevoir gratuitement un impôt ecclésiastique ;
› La participation aux services d’aumôneries (prisons, EMS, etc.). »
Les Églises reçoivent alors des subventions (200 000 CHF) plus « l’impôt ecclésiastique volontaire ».
3) En 2010 intervient un événement dont il est difficile de faire part dans les débats feutrés du Château (siège du gouvernement : magnifique!) : Philip Morris, le cigarettier neuchâtelois, décide de supprimer son « impôt volontaire » aux Églises : or il représentait à lui seul 20 % des ressources des cultes. Donc on cogite, on intervient, on prie un peu, on demande pardon des péchés qui conduisent à la sécularisation, on moralise sur les campagnes anti-tabac, et on observe la progression des autres religions ( la mosquée de Neuchâtel est aussi très belle…). Un premier projet est présenté au Grand Conseil en 2016, mais comment faire pour compenser sans discriminer et exclure les musulmans (et quelques autres, peut-être, il y a du monde sur les parvis) ?
Donc le projet :
- ne reconnaît pas les cultes, mais les communautés (nouvelles complexités) ;
- n’associe aucune automaticité entre reconnaissance des cultes et subventions (mais le mécanisme reste à préciser).
Dans les appareils politiques pas grand-monde n’est dupe, mais on voit qu’il n’y a pas qu’en France que la laïcité est invoquée pour faire le contraire de la Séparation.
Rendons donc hommage aux libres enfants de la Chaux de Fonds et du Locle et à la mémoire de Jacques Vogt, le musicien suisse , à qui l’on doit la chanson ci-dessous qui, j’espère, dira quelque chose à certains !
« Les bords de la libre Sarine ». Hommage à Jacques Vogt ! (Les trois premières versions ont un charme fou)