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Publié par Michel GODICHEAU

 

 

C’est cette phrase, prononcée par un urgentiste de Voiron (Isère) , dans un reportage de France Culture, qui m’a décidé à finalement publier ce billet un peu impudique. Car il a raison et il nous faut résoudre la question. Maintenant.

Lundi 24 janvier 18h36 – Four de Louge – Dernières lueurs sur le lac – Assez content de ma dernière photo j’élimine les autres.
18h40 – Je remonte sur le chemin qui longe la voie ferrée et fais quelques pas dans la direction de mon domicile – Choc – Rideau. Perte de connaissance.
18h45 (environ) – Un jeune homme est penché sur moi : «  Monsieur, monsieur, j’ai déconné ». – Je sens à la fois l’herbe et les graviers – Du sang poisse mes cheveux, ma jambe droite ne bouge plus – Rideau.
19h.. - Les pompiers. Lumières, voix. Questions. Coque rigide. Montée dans le camion. J’apprends qu’une moto cross m’a renversé. Je crois que la police est là.
19h30 (environ) - « Quelles urgences ? ». Ce sera Purpan. Les pompiers parlent boulot et promotions. Rassurant.
20h00 (environ) – Urgences . Une femme pompier m’accompagne pour l’admission et pouvoir récupérer son brancard. Au vu de la situation, elle m’avertit que ce sera long. Un brancard arrive. Transfert. Là commence une initiation.
Il y a dans le couloir une théorie de brancards, dans un sens originel de théorie (Littré) : »En l’attente de l’oracle, il était défendu d’exécuter aucun condamné avant le voyage de la théorie. »
Je suis donc assez tranquille.
20h35 (environ) - Couloirs. Beaucoup de circulation. Tout le monde cherche de la place pour son patient – Dans une chambre ou dans un box.
Devant moi, un chariot libre : il sera bien vite occupé… par une soignante qui est tombée, épuisée, et qui doit être prise en charge. Ses collègues l’aideront pour l’admission.
21h00 (environ) – Toujours pas de place, mais j’encombre. Transfert dans un autre couloir.
21h30 (environ) – Chambre d’accueil. Prise de sang.Perfusion. Questions. On m’annonce scanner et radio à venir. Deux étudiants en stage font une enquête sur l’évaluation de l’accueil aux urgences. Ils me lisent le baratin du RGPD et, comme mon consentement est particulièrement éclairé, je le donne. Un autre volet est prévu lors de la sortie:il n’aura jamais lieu. Les soignants s’agacent un peu, mais supportent.
21h50 (environ) – Je monte au manège, là où ça tourne et où il y a la queue du Mickey. J’apprends que ma femme est à l’accueil du public et que mon fils va y arriver. J’ai un box avec rideaux, j’aurais aimé avoir le cheval rose, de là haut il est plus facile d’attraper la queue du Mickey, mais je devrai me contenter de mon brancard. Le spectacle est fascinant, le bruit aussi.
22h00 (environ) – La noria des brancards éjecte parfois un patient vers un box disponible. Une chance ? Le test PCR d’une voisine de rideaux est revenu positif et elle devra être transférée dans la zone Covid. Ici ça fait une place. Dans le couloir les soignants plaisantent pour tenir et évoquent les chèvres (mais ça pue), les moutons ou les canards qu’ils pourraient élever. Un grand homme presque nu, avec juste une couche-culotte et un maillot, gueule en anglais, désorienté ; il croise des personnels qui ont fini leur service et tente de les interpeler. A deux boxes de moi, sur la gauche, un type dit que sa femme va le tuer parce qu’il s’est fait voler son portable dans sa voiture et qu’il ne peut pas l’appeler.
23h00 (environ) – Je commence à avoir des repères tactiques. Les boutons d’appel sonnent sans arrêt et le personnel ne peut pas être partout : pour demander l’urinal, rien ne sert de sonner : il faut choper le gars quand il vient calmer mon voisin. A lui ensuite d’en trouver un et de me l’apporter avant d’être de nouveau happé.
23h30 (environ) – D’ailleurs ce voisin s’est pissé dessus et son délire change : il est désormais enfermé dans les toilettes et personne ne vient lui ouvrir. On veut l’empêcher de sortir. Il est vrai qu’il a des contentions dont il réussit partiellement à se libérer ce qui le met dans une position très inconfortable. Ma voisine immédiate, elle, ne veut pas rester là : elle a, dit-elle, une chambre dans l’hôpital et veut y retourner. Le soignant ne la croit pas et pense qu’elle confond avec la chambre d’accueil.Une autre dame s’est fait pipi dessus. On lui met le bassin mais elle n’y arrive pas.
Minuit - « Champagne !» L’ambiance monte et Jacques Higelin entre en scène. Mon voisin, toujours empêtré dans ses toilettes virtuelles et ses contentions, demande de l’aide. Dans les couloirs, moins de monde. La dame sur son bassin demande à être libérée -Y a t-il quelqu’un ? »- »Oui, il y a moi », répond mon voisin, mais ils m’ont enfermé ! ». Jacques Higelin continue : « Quelques vipères écarlates, Vampires éblouis par de lubriques vestales. »
Mardi 25 janvier -01h20 – Finalement, la vieille dame avait bien une chambre. On vient me chercher pour la radio. Scanner. Radio. Re-scanner . Rapide. Retour aux boxes, on m’avait piqué ma place. Tout rentre dans l’ordre. L’ambulancier qui avait amené le voisin enfermé le ramène chez lui. Ma femme et mon fils sont partis se coucher. Un chirurgien vient m’annoncer que j’ai une mauvaise fracture du tibia au niveau de la cheville et que je devrai être opéré. Peut-être dans quelques heures. C’est là je crois, qu’on m’a mis un plâtre provisoire. J’ai bien aimé la coopération entre l’interne et l’infirmière pour le confectionner.
03h00 – Je suis dans ma chambre . J’y attendrai l’opération trois jours. Le planning. Les soignants sont adorables. Ma colère est intacte.
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