Merci à toi Nondas ! Et merci aux Spinalongistes !
Je n’ai guère le temps. Il est assez délicat de prendre parti dans le débat sur l’universalisme. On ne peut à mon sens s’y risquer qu’à partir des conditions matérielles d’existence. C’est pourquoi il me semble nécessaire de rendre hommage à Epaminondas Remoundakis et d’inciter à lire le livre de sa vie.
Lisez d’abord ma note précédente. Je résume, cependant : Né en 1914 dans une famille de paysans de la campagne profonde crétoise , Epaminondas Remoundakis, contracte la lèpre qui est alors une tare sociale au nom de laquelle on exclut, on éloigne et on enferme. Peu symptomatique, il cache pendant des années sa maladie, fuit sur le continent et commence des études brillantes ; il est finalement pris et envoyé à l’isolement sur l’île de Spinalonga, à la fois lieu d’isolement, d’exclusion sociale et mouroir.
Il décrit ainsi son arrivée à Spinalonga :
« La colline présentait un spectacle de désastre infini. Des ruines partout : on croyait avoir devant soi une cité dévastée par un tremblement de terre. Des habitations d’un étage ou deux, sans toiture, sans plancher, des murs éventrés, des angles brisés, des ouvertures béantes, révélaient malgré leur décrépitude, la grandeur de ceux qui avaient résidé ici de père en fils. Que de joies et que de peines, que de richesses avaient connues cette île sous les seigneurs vénitiens, puis sous les nouveaux conquérants : les pachas turcs. […]
Mais maintenant la cité n’était plus que ruines abandonnées, qui donnaient l’impression que les rares maisons habitées et couvertes étaient des trous dans le rocher. Grottes dont on voyait à peine les habitants, les malades de Hansen . De là venait la légende : les Spinalongistes habitent dans des cavernes. »
Après un moment de désespoir, Nondas va organiser la lutte, en commençant à mobiliser les malades pour améliorer les conditions de vie sur la base de revendications collectives et d’organisation . Le premier pas ? Assainir !
« La fête de Pâques approchait , j’ai proposé de demander au directeur de nous faire délivrer mille okres de chaux. Ainsi chacun pourrait blanchir sa maison et ses cabinets. »
L’atténuation des odeurs, le travail collectif… bientôt il y eut une sorte de coopérative, une sorte de syndicat des malades, puis des revendications concernant les soins... »
Très religieux, Epaminondas utilise tous la liturgie et les rites pour faire progresser les objectifs. Devenu aveugle, il continue à se battre avec l’aide de sa femme (oui, il s’est marié!).
Bref une leçon de choses magnifique et pour moi qui ne suis certes pas orthodoxe, une démonstration de la méthode du combat collectif pour améliorer les conditions matérielles et de là faire progresser la conscience d’une solidarité commune.
Vous qui avez besoin d’optimisme pour mener vos combats lisez « Spinalonga, vies et morts d’un Crétois lépreux » Éditions Anacharsis (poche) Collection griffe famagouste et merci aussi à Maurice Born le traducteur.