Au musée juif de Thessalonique
Il y aurait évidemment beaucoup à dire : sur les 10000 enfants juifs de Thessalonique en 1939, il en restait 58 (cinquante-huit!) en 1945. Les nazis ont exterminé, essentiellement via les camps de concentration polonais, 54000 habitants juifs de Salonique. Cela fait une longue énumération de noms écrits sur de grands panneaux noirs.
Ces chiffres, je les connaissais plus ou moins, mais les 30 synagogues, dont l’une attachée à l’histoire (ou à la légende) de Paul de Tarse, donnent une dimension, de même que les diplômes scolaires , les compétitions sportives.
A ce propos une exposition temporaire (jusqu’en décembre 2023) commence à jeter une lumière douloureuse sur les raisons d’une amnésie collective, pratiquement jusqu’en l’an 2000. J’ai eu plaisir à constater que Yannis Boutaris, pour qui j’éprouve une sympathie très fraternelle (il n’a que quelques années de plus que moi) a profité de ses deux mandats de maire de la « capitale des Balkans » pour favoriser ce mouvement.
J’y ai appris aussi - et c’était plutôt une réconfortante confirmation – qu’à Thessalonique comme ailleurs dès le début du XXe siècle la classe ouvrière juive de Thessalonique a fusionné ses organisations sportives en une fédération qui s’opposait à l’organisme mis en place par les sionistes et participèrent de façon décisive, par ce biais à la naissance du mouvement ouvrier organisé.
J’y ai enfin appris , par l’exposition temporaire, que les pierres tombales du cimetière juif de 500 000 tombes, annihilé dès 1942 (c’est à soi seul une longue et triste histoire) avaient été réemployées par l’Église comme matériaux de base pour la construction de plusieurs lieux de culte orthodoxes à Thessalonique et jusque dans la banlieue chic de Panorama.
Ainsi les curés poursuivent inlassablement l’effacement commencé par les trinitaires aux premiers siècles contre la civilisation polythéiste de la Grèce antique, ici avec les pierres tombales ou celles des synagogues et à Serres , un peu plus au Nord, en faisant disparaître les traces du révolutionnaire musulman du XVe siècle Cheik Bedreddine leader de la contestation paysanne.
J’ai aussi noté que la majorité des survivants sont ceux qui ont réussi à fuir (un petit nombre vers la Palestine) ou bien ont pris le maquis avec L’ELAS , l’armée révolutionnaire, libératrice du pays (Ellinikós Ethnikós Laikós Apeleftherotikós Stratós). Plus tard, un certain nombre d'entre eux ont combattu dans la guerre civile (jusqu'en 1949) contre le gouvernement monarchiste appuyé sur le Royaume-Uni et plus tard les USA.
Et un peu de musique ladino importée ici à Salonique par les Sépharades chassés d'Espagne par un ancien nettoyage ethnique.