Après les obsèques d'Alexandre Hébert.
Le communiqué ci-dessous traduit à la fois l'émotion qui continue à nous étreindre et reflète la grande
qualité des interventions prononcées à ses obsèques. Les commentaires sont fermés.
In memoriam Alexandre HébertNotre ami, camarade et Frère Alexandre Hébert s’est éteint dans la nuit du 16 janvier 2010. Alexandre s’est engagé, toute sa vie durant, dans l’action militante au service de la classe ouvrière. Il fut d’abord et avant tout un militant syndicaliste de la vieille CGT, puis un fondateur et un militant inlassable de la CGT-Force Ouvrière. Il fut Secrétaire général de l’Union Départementale de la CGT-FO de la Loire-Atlantique de 1946 à 1992, et un membre éminent de la Commission exécutive de sa Confédération.
Praticien du mouvement ouvrier, il fut aussi un formidable analyste et un remarquable théoricien. Ses intuitions furent très souvent pénétrantes et en avance sur son temps. Il contribua à éclairer et à former bien des intelligences, toujours au service de l’émancipation humaine. Il fut, selon l’expression de Fernand Pelloutier, un « révolté de tous les instants ». Son engagement allait au-delà du syndicalisme, il était franc-maçon à la Grande Loge de France et un militant de la Libre Pensée. Il se revendiquait un anarcho-syndicaliste. Ce qui le distinguait surtout, c’est qu’il était avant tout un anarchiste individualiste, partisan, cependant, de l’action collective pour faire avancer les intérêts et les droits de la classe ouvrière.
Les libres penseurs n’oublieront pas qu’il fut, en quelque sorte, l’énergie initiale pour le renouveau de la Fédération nationale de la Libre Pensée. Alors que notre association était en butte aux assauts répétés des partisans de la « laïcité ouverte » et de ceux qui voyaient dans le Concile Vatican II une « formidable avancée de l’Église catholique » ; il a été de ceux qui nous ont mis en garde contre le cléricalisme, même et surtout défroqué, inhérent à tous les monothéismes et particulièrement celui du Latran.
La tête dans les étoiles, mais les pieds sur la terre, il a appris à beaucoup que la question essentielle était la doctrine sociale de l’Église qui se fixait pour but de maintenir l’oppression sociale à tout prix. En soutane ou en Lévis, un curé était toujours au service de la hiérarchie catholique et les cléricaux les plus dangereux étaient les chrétiens-sociaux, abusivement étiquetés de «gauche».
Nous publions ci-dessous la motion qu’il défendit au congrès de la Libre Pensée de 1978. Elle marquait l’absolue indépendance vis-à-vis de fumeux et funestes projets politiques qui devaient « libérer la société du capitalisme » et qui n’eut pour seul résultat que de renforcer les chaînes de l’exploitation des prolétaires. Cette motion fut battue de deux voix, mais elle ouvrit une période qui verra la Fédération nationale de la Libre Pensée résistait à la tentative de l’aliéner, ce qui aurait conduit à sa disparition pure et simple.
Motion présentée par Alexandre Hébert au congrès de la Libre Pensée de 1978
Le congrès de la Libre Pensée, réuni à Colomiers, du 23 au 27 août 1978, confirme son attachement à la déclaration de principes de ses statuts. En tant qu’organisation, la Libre Pensée est indépendante, non seulement des Églises, mais aussi des partis, groupes de partis et des États ; les libres penseurs restant individuellement libres de participer par le truchement d’un syndicat, d’un parti ou de tout autre groupe ou organisation au processus de transformation sociale.
A un moment où le mot socialisme lui-même est utilisé à des fins diverses, la Libre Pensée affirme sa détermination de combattre – quelles que soient les évolutions politiques ou sociales – les forces, institutions et idéologies qui tendent à amoindrir, asservir ou pervertir les individus.
Le congrès dénonce comme une mystification la prétendue « évolution » de la hiérarchie catholique qui constitue une nouvelle tentative aussi habile que perfide de maintenir et développer sa domination sur les esprits. Enfin, le congrès réaffirme solennellement son attachement à la laïcité de l’État et de l’École.
La Libre Pensée combattra sans faiblesse tous ceux qui, au nom du « compromis historique » (érigé en système) ou pour toute autre raison, accepteraient une remise en cause totale ou partielle de la laïcité de l’État et de l’École.
La voie était alors tracée pour tous ceux qui voulaient que la Libre Pensée reste fidèle à son destin. Comme toujours, entre libres penseurs, les débats furent âpres, durs et conflictuels. Certains qui furent partisans de l’aggiornamento de la Libre Pensée dérivèrent fort loin et se firent les complices des pires basses œuvres. D’autres, les plus nombreux engagèrent le combat pour sauver la vieille maison et la sauvèrent et nous continuerons.
32 ans après le congrès de Colomiers, les responsables et militants de la Fédération nationale de la Libre Pensée peuvent se retourner avec satisfaction et fierté pour voir le chemin accompli. Ils savent tous le tribut qu’ils doivent à Alexandre Hébert. Ils ne l’oublieront pas.
À Maïté, à Patrick, à toute sa famille et à ses camarades, Frères et amis, la Libre Pensée fait part de son indéfectible attachement et de sa profonde reconnaissance à Alexandre Hébert.
Salut et Fraternité, Alexandre.
Marc Blondel et Christian Eyschen