Dexia
L’année 1987 a été marquée en France par la privatisation des banques, parmi celles-ci une opération est passée relativement inaperçue, la transformation de la Caisse d’Aide à l’Equipement des Collectivités Locales en une banque, le Crédit local de France qui devint ensuite Dexia.
Un petit retour en arrière s’impose : depuis 1837 la Caisse des Dépôts et Consignations, organisme public, gère les fonds des Caisses d’Epargne, cette épargne populaire doit être mise au service du développement des communes et des départements. En 1966 est donc créée la CAECL , qui, doit accompagner la décentralisation prévue par le Vème plan gaulliste (la même année une loi du 31 décembre crée les communautés urbaines) : il s’agit d’associer les capitaux privés ( déjà le marché !) à un effort des communes qui doivent désormais se financer par ce qui se rapproche d’emprunts classiques, la CAECL reste cependant un établissement public. La Vème République se caractérise donc par une offensive visant à offrir de nouveaux marchés aux capitaux, dans le cadre de l’application du traité de Rome. (1957). La décentralisation mise en oeuvre par Delors-Mauroy-Mitterrand va accélérer les choses : à partir de 1982-1984, un vaste marché s’ouvre pour les banques dans les collectivités locales qui vont petit à petit devenir les « territoires ». En 1987, la crise mondiale de réalisation de la valeur commence a produire ses pleins effets, c’est d’ailleurs l’année d’un krach boursier, et de nouveaux moyens de financement sont recherchés à travers les privatisations. La CAECL est donc transformée en banque privée, plusieurs investisseurs internationaux, dont le Crédit communal de Belgique, entrent dans son capital. Pour les communes, apparemment, rien n’a changé, en fait rien n’est comme avant leur interlocuteur est désormais une banque privée, soumise à la concurrence et recherchant le profit. D’autant que dans le même temps, la Caisse nationale de Prévoyance issue également de la Caisse des Dépôts, qui gérait les fonds des assurances créées dans le cadre des caisses d’Epargne et des CCP est elle-même privatisée en deux temps (1987-1993).
Cette accentuation des privatisations est directement consécutive à l’Acte unique européen qui , sous la conduite de J. Delors acte la libéralisation du marché des banques et des assurances. C’est donc tout «naturellement» qu’en 1996 est créée Dexia, une holding franco-belge qui coiffe le Crédit communal de Belgique et le Crédit local de France. Cette société va alors jouer en bourse dans la cour des grands et de perdre des milliards dans la crise bancaire de 2007-2008 en s’efforçant de les faire payer par les Etats (6 milliards), les régions et les communes. Cela n’a pas suffi : aujourd’hui Dexia est démantelée et ses actionnaires de nouveau indemnisés et c’est par ailleurs une nouvelle structure publique mise en place par la CDC qui devrait provisoirement prendre le relais auprès des collectivités locales désormais très endettées et écrasées par les mécanismes d’indexation des taux d’intérêt mises en oeuvre par les « marchés ». Dexia illustre le début d’effondrement du système bancaire européen avec ses deux tendances : la nationalisation des pertes qui suit la privatisation des profits, mais la tendance à faire payer l’Etat a deux limites : pour l’exécutif celle de sa propre solvabilité et pour les communes comme pour le budget de l’Etat et des communes la tendance lourde des citoyens qui, en France comme en Grèce imposeront le refus d’honorer cette dette qui « n’est pas la nôtre ».