Ukraine et Saint-Empire.
L'Ukraine a depuis longtemps été disputée entre Orient et Occident (mais aussi entre Baltique et Mer Noire) et 25 % du territoire actuel de l'Ukraine faisaient partie en 1935 d'autres pays aujourd'hui membres de l'Union européenne, tandis que d'autres régions ont appartenu à la Russie et à la Turquie. Bien loin de moi l'idée de faire de cette mosaïque un facteur explicatif décisif de la situation actuelle. Mais au moment où l' Europe de Maastricht (et l'administration U.S.) y encouragent des opposants au régime pro-russe, je suis en train de lire un ouvrage édité en septembre 2013 par les Editions Abeille et Castor (d'habitude, là, je fais une révérence) et écrit par un professeur à l'Institut Catholique de Paris (d'habitude, là je crache par terre) et intitulé « Un monde sans frontières ? » (préface d'Henri Pena-Ruiz). J'y consacrerai sans doute une note de lecture dans La Raison ou l'Idée Libre. Mais j'y trouve déjà deux citations fort intéressantes que l'on peut rapprocher des événements d'Ukraine :
« Bien que le national-socialisme hitlérien ait librement adopté et infléchi le sens du Lebensraum (1) ratzélien, il reste que le socle idéologique de ma métaphore épidermique a bien trouvé dans le projet du Troisième Reich l'une de ses finalités politiques réelles. Concevoir la frontière comme une sorte de membrane vivante jouant le rôle central d'interface dynamique, même au détour d'une métaphore faussement innocente (2), ne peut donc que diffuser, au mieux, une ambiguïté favorable à des idéologies impérialistes de toute nature. » (p 49)
(1) Ratzlel est un géographe du XIXe siècle, le premier à avoir utilisé le concept de Lebensraum « espace vital ».
(2) L'auteur semble ici polémiquer avec Regis Debray (et accessoirement Raphaël Enthoven) qui métaphorisent sur la peau et la frontière quelques lignes plus haut.
La deuxième citation me paraît aussi intéressante pour comprendre l'actualité :
« La fameuse « Querelle des Investitures » (3) à laquelle se livrent l'Eglise et l'Empire pour exercer le pouvoir politique entre l'Eglise catholique romaine et le Saint-Empire romain germanique sanctionne la concurrence à laquelle se livrent l'Eglise et l'Empire (4) pour exercer le pouvoir politique sur les anciens territoires de l'Empire carolingien. Ce conflit impérial nie le principe même de souveraineté autant que la pratique frontalière, dans la mesure où c'est la suprématie légitime du pouvoir qui en constitue l'enjeu, et non l'extension territoriale précise de son influence » (p 90)
(3) Voir : http://www.linternaute.com/histoire/motcle/4914/a/1/1/querelle_des_investitures.shtml
(4) La querelle Uniate en est une autre illustration . http://w3.slavica-occitania.univ-tlse2.fr/pdf/articles/29/688.pdf
Bref, avant de m'inscrire à l'Institut catholique de Paris, je vais tout de même finir le livre. Mais comme je note qu'il éclaire aussi une question qui me turlupine gravement : la tendance contemporaine à favoriser la régression de la πόλις (la cité qui donne la citoyenneté) au pagus (le territoire qui donne l'allégeance fut-elle participative), je crois que je vais déjà vous conseiller ce livre.
Jérôme Esnouf – Un monde sans frontières – Abeille et Castor – Angoulême 2013 – 228p - 18€