Coiffe bretonne en noir et rouge.
Une bonne partie de la paroisse de Carnoët était partie, à pied, trompant son angoisse avec des contes d’Argoat et des prières pour échapper à la faim. Aujourd’hui il n’y a plus de recteur à Carnoët, mais à Trélazé la doctrine sociale catholique quadrille les quartiers, la mine n’emploie plus qu’une grosse poignée de carriers et les bistrots ont presque disparu. La chapelle Saint-Lézin n’aura pas son Pardon : les socialistes au genêt préfèrent organiser des apéros et il ne reste, en guise de curés, que des prêtres-ouvriers retraités qui ne savent pas trop s’ils doivent regretter l’athéisme ou les splendeurs d’une Eglise qui les avait fait entrer à la CGT. Le bulletin du PCF radote (sauver ses derniers sièges avec Méluche ou Auxiette ?)...
Pourtant, il n’y avait hier aucune morosité dans ces quatre générations réunies pour fêter une nonagénaire pétillante, anarchiste et ajiste de toujours ; un joli montage photographique avait retrouvé la coiffe de la grand-mère et Roger, torse nu à son retour d’Espagne, la tête encore pleine de Durruti et de révolte (elle ne l’a jamais quitté). Jeannette a rejoint le club des nonantenaires et réuni sa famille et ses amis anarchistes, communistes, socialistes, trotskystes et boulistes. Le peuple était là, plein de bosses et de cômes, attentif, pas abattu. Mais il est temps. Bon anniversaire, Jeannette !