Mise au point sur la loi de 1905.
Voici l'éditorial que j'ai préparé pour le prochain numéro de "Ce Qu'il Faut Savoir". Paraîtra t-il avant les élections ? Peu importe, après tout.
La dernière fois où j’ai soutenu des propositions de modification de la Constitution du 4 octobre 1958 (née d’un coup d’Etat réussi par un général en retraite), c’était en 1965 (!). J’étais alors le représentant de François Mitterrand dans un débat constitutionnel organisé dans ma faculté de droit. Arrivé au pouvoir seize ans plus tard, François Mitterrand n’a donné suite à aucune de ces propositions ( suppression de l’article 16, en particulier), mais en a initié d’autres, beaucoup plus contestables. J’ai vu depuis que la Libre Pensée, que j’ai rejointe en 1982, avait adopté en 1958 et 1965 des positions de principe remarquables.
Nous sommes donc en période pré-électorale, les candidats développent leurs programmes, ces programmes ont d’abord pour but de convaincre les électeurs de voter pour eux : c’est dans ce cadre que MM. François Hollande et Jean-Luc Mélenchon ont défini une position sur ce qu’ils disent vouloir faire au sujet de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Sont-ils plus crédibles que François Mitterrand en 1965 ? En tout cas ni l’un ni l’autre ne parlent de l’article 16, mais ils parlent de constitutionnaliser la loi de 1905 ! Il nous faut donc bien délimiter le débat : il ne s’agit pas ici de savoir ce qu’il faut faire concrètement, il s’agit de savoir pour qui on va voter. Chacun sait, en effet, que les conditions concrètes d’application des programmes des uns et des autres ne seront définies que beaucoup plus tard... s’ils sont élus. La Libre Pensée ne donne aucune consigne de vote, même indirectement, et ne divisera pas entre ceux qui choisiront tel ou tel... et ceux qui refuseront de choisir.
Dans ces conditions, plutôt que supputer ce qu’ils feront, ou de sonder les reins et les coeurs, il me paraît plus efficace d’observer ce qu’ils font ou déclarent hic et nunc. Ainsi M. Glavany , un des plus illustres signataires de l’appel « Laïcité sans exception » , qui critique la position de la Libre Pensée, déclare dans le même temps : si les principes de 1905 sont garantis dans la Constitution « la révision ne nous pose plus aucun problème et on peut discuter tranquillement du statut des associations cultuelles, de leur patrimoine, de leurs réserves financières, de ces sujets qui préoccupent un certain nombre de religions ».
http://www.la-croix.com/Religion/Urbi-Orbi/France/Jean-Glavany-regrette-que-Francois-Hollande-ne-remette-pas-en-cause-le-Concordat-_NP_-2012-04-04-784966
Ce qui est cohérent avec ses positions antérieures dans le même journal http://jean.glavany.free.fr/IMG/pdf/La_Croix.pdf
et avec le guide dont il a coordonné larédaction.
Ma position personnelle est celle-ci : depuis le rapport Machelon (2006) qui concrétisait clairement la menace, un rapport de forces est en train de se nouer autour de la Séparation ; du point de vue de la Libre Pensée l’enjeu en est clair : c’est Europe vaticane (et pilarisme) ou Séparation. Ce rapport de forces ayant fait échouer la tentative de vider de son contenu la loi du 9 décembre 1905, ses adversaires essaient la voie jurisprudentielle (arrêts du Conseil d’Etat du 19 juillet 2011) ... ou envisagent la voie de la révision constitutionnelle. Même si cela peut paraître totalement paradoxal, M. Glavany ne dit rien d’autre. Mais n’y avait-il pas des entourloupes du même type au moment du projet Savary de grand service unifié en 1982-1983 ? Pour conclure sur une question qui fait le pont entre la laïcité de l’Etat et la laïcité de l’Ecole : la loi Debré du 31 décembre 1959 est la première loi, depuis 1905, qui ait permis le retour d’un financement des congrégations religieuses à travers le financement de l’enseignement catholique. Or qui peut le plus peut le moins : la Libre Pensée vient , après la commémoration du Serment de Vincennes, de relancer une grande campagne pour l’abrogation de la loi Debré. On y va ?