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Publié par Michel GODICHEAU

 

Monsieur Pepy,

 

Ah ! M. Pepy, je me doutais bien de ce que  votre vengeance serait terrible : elle n’a guère tardé ! Le 8 mai dernier, inspiré par feu ma cousine Ernestine Chasseboeuf, je jetais à la face du ouaibe une missive vindicative et j’ai bien vu, lors d’un de vos passages subséquents à la télévision, que vous me regardiez d’un drôle d’air. Aussi  n’ai-je été qu’à moitié surpris  que vous vous saisissiez  du début de la saison des suicides  pour me faire payer cher mon outrecuidance. Ce jeudi  était automnal et gris de froid , la désespérance sociale, un temps écrasée au sol par les anticyclones, relevait la tête. Je crains qu’il n’y ait  beaucoup de suicides cet automne, surtout si vous savez arrêter les grèves : tenez, je vous parie  que  si la contestation de la RGPP  met les hôpitaux, les territoriaux  et les instituteurs  dans la rue, il fera soudain plus beau (forcément, pour les manifs)  et du coup, il y aura moins de suicides. Bref mon TGV  s’est donc arrêté dans la gare  de Meuse TGV, sur ce plateau de Langres où la pluie froide nous glaçait, comme elle glaçait jadis les combattants de la bataille de Verdun. Je n’avais jamais visité les marches occidentales de la Basse Lotharingie, M. Pepy, et je pourrais vous remercier de cette halte forcée si  la suite ne m’avait laissé un peu amer.  Or donc, nous devisions, correctement informés par un chef de bord affable et un  contrôleur helvète attentif (TGV Lyria oblige), qui, au bout  d’un peu plus d’une heure  et conformément  au règlement européen  1371/2007, nous servit une ration de guerre fort convenable. Les correspondances à Paris furent  dûment notées, mais manifestement le staff avait des difficultés à obtenir des informations. Trois heures plus tard, en arrivant à Paris-Est, on nous annonça  que les renseignements sur les mesures prises à notre égard  nous seraient donnés par  « le personnel d’accueil présent sur le quai », comme  je l’avais déjà vu quelques jours auparavant  à l’occasion d’un autre retard. A ce moment, rien à dire : circonstances imprévisibles, gestion de crise, pas d’article 1832 du Code civil, protocole  correctement mémorisé et appliqué... je m’apprêtais  à  squatter le canapé  banlieusard d’une amie  (retenue un moment pour tenter d’empêcher une expulsion : c’est l’automne, disais-je) , car  le dernier train pour Angers part à 21h15, au lieu de 23h il y a quelques années... Mais  il était 22h30, il n’y avait personne sur le quai, et les choses ont commencé à dériver  dans une gare  dont les passagers bloqués étaient ballotés  par le tangage  qui les faisait buter d’un panneau lumineux à l’autre. Après avoir tenté de changer mon e-billet à l’automate (deux lignes de code dans le programme auraient pu l’autoriser, après tout),  je me suis résolu à faire la queue   devant le guichet  où Kamel  tentait avec le sourire de gérer les flux. Ledit  Kamel m’ayant indiqué  que  la SNCF nous logerait près de Montparnasse (les protocoles qualité c’est extra),  j’ai  alors, très imprudemment je vous le concède,  tenu le raisonnement suivant : « Il est 23h, j’ai treize heures de voyage  dans les jambes, mon hôtesse a des soucis, j’aurai une heure de transports en commun demain matin pour rattraper mon train pour Angers, je suis fatigué et je vais ennuyer tout le monde, autant  accepter le lit et la douche à Montparnasse ». Grave erreur ! Après  trente minutes de ligne 4 et couloirs (avec les valises et l’âge on les sent)  voici l’arrivée  à l’accueil de Montparnasse. Une stagiaire accueille chaleureusement les naufragés, leur offre une chaise : on y croit !  Les employés  recherchent des places dans les trains du lendemain : j’en ai un à 7h30, c’est bien, surtout que l’hôtel ne sera peut-être pas tout près. Nouvelle erreur, l’hôtel fut tout près. J’avais quand même senti que les choses se gâtaient  en voyant, après minuit ,  arriver la Sécurité ferroviaire qui me donne la nostalgie des cheminots de jadis. Bref, faute de  places disponibles  on nous hébergera dans une « rame-dortoir » ; veuillez  excuser mon ignorance, M. Pepy, je ne savais pas ce qu’était une rame-dortoir, mais j’avais compris  que la gare allait fermer : les uniformes  et les matraques sont des symboles que tout le monde comprend. Je dois à la vérité de dire  qu’on nous a alors proposé  de  rechercher la chambre  que la SNCF n’avait pas trouvé et que, sur présentation  de la note on nous attribuerait ensuite 70 € . A minuit, restent sans doute  à proximité quelques chambres de quatre étoiles et ça fait cher du billet. 

 

La rame-dortoir .

 

Ah la simplicité lumineuse des concepts ! Je la connaissais en fait la rame-dortoir de la voie 8 !  C’est une rame familière avec sa petite odeur d’urine et quelques journaux qui traînent encore, car  les passagers de première classe sont négligents. On ne peut pas s’allonger, mais l’on peut se recroqueviller, il n’y a pas de douche  et personne ne semble  avoir eu l’idée de stocker quelque part  quelques trousses  de type Lunéa ou Talgo pour faire un brin de toilette. Moi, je n’ai pas eu droit à une couverture  de non-tissé jetable et j’ai mis cela sur le compte  de mon arrivée tardive : j’avais cru pouvoir exciper de ma qualité de juriste pour  réclamer  au comptoir une attestation  concernant la décision  de me mettre dans une « rame-dortoir », dans un régime de semi-liberté : statut de la dite rame au regard de la SNCF, titre d’occupation etc. J’avais dépassé les  bornes, certes, alors que d’autres  étaient   beaucoup plus sages ou encore plus épuisés. J’avais omis de signaler en public mes petits problèmes de santé et j’ai du faire avec, personne ne semblait avoir prévu  le cas de figure, puisqu’une PMR (ah ah !)  a du, pour des raisons obscures, partager notre infortune. Bref, il y avait quand même peu de chances que je claque durant la nuit. Bon, j’avais fait déplacer au comptoir la responsable de l’accueil, qui épuisée, m’a fait, en lieu et place  d’attestation, un mot gentil  et demandé, en sus, de lui permettre de m’expliquer la politique de l’entreprise, ce que, je l’avoue,  j’ai, après  quatorze heures de voyage, accepté de mauvaise grâce. Un seul moment de poésie : ce chocolat autochauffant que l’on peut emporter  dans des expéditions articques ou des traversées du Pacifique et qui vous fait rêver de grands espaces, vous qui participez tout de même à une aventure !  J’ai plié ma veste et je me suis endormi. Pas très longtemps : le chien  beauceron trapu de la  dame de la sécurité ferroviaire  avait sans doute une haleine aussi fétide que la mienne (ni lui ni moi n’avions pu nous brosser les dents) et mes pieds dépassaient dans le couloir : bing ! Excuses. Les panneaux  publicitaires mobiles  et le bruit de la motrice  m’ont alors obsédé jusque vers cinq heures où les plus matinaux de mes compagnons ont choisi de se lever pour rejoindre les premiers trains. J’espérais encore, M. Pepy, j’espérais  votre clémence sous la forme d’un bon de croissant et d’un gobelet de carton empli de café chaud. Mais ma faute était sans doute trop grande et à 5h40 la sécurité est venue  nous demander de vider les lieux avant  six heures : la « rame-dortoir » devait reprendre son statut de TGV. A cette heure là  rien n’est ouvert, pas même l’accueil, ceux qui ont passé la nuit dehors viennent prendre un peu de chaleur, on les reconnaît aisément à leur mine et je me sens privilégié ; les premiers  TGV reprennent  à six heures : je suis sorti faire pisser mes bagages  et j’ai traversé l’avenue du Maine pour prendre un café. J’ai trouvé les gens gentils. Le TGV  de 07h30 était à l’heure, j’ai composté mon billet gratuit  et je me croyais quitte : le contrôleur m’a tout de même réveillé pour me demander mon billet d’origine. Vous avez raison M.Pepy de prévoir ce point de procédure  dans  la formation donnée  aux contrôleurs : on n’est jamais trop prudent !

 

Un dernier mot : si vous décidiez de m’indemniser, je transférerais l’argent aux salariés de Seafrance.

 

Et j’espère vous trouver de même.

MG

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J
<br /> A quand un livre sur tes aventures TG-Viennes ?<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Je veux un roman de gare avec un mauvais dessin, une dame habillé en rouge  sur la couverture et un TGV fuselé  en perspective !<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Parfait ! C'est même pas dans très longtemps.<br /> Je tâcherai de me tenir au jus.<br /> A la revoyure.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Pauvre Mitch...<br /> <br /> A force d'aller rue des fossés, vous allez mieux connaitre le règlement de la SNCF que la loi de 1905...<br /> <br /> (Au fait, vous avez prévu d'aller du coté de chez l'autre michel pour fourguer votre bouquin ? Ça me ferait plaisir d'avoir un exemplaire tri-dédicacé.)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Toulouse le 2 décembre ?<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> mon cher Michel<br /> que d'aventure ,un vrai roman "de gare" avec la sncf tout est possible !avec EDF on vous doit plus que la lumière..<br /> et avec la poste on bouge ...<br /> tu serra peut être nominé au Goncourt, ferroviaire,<br /> quant st François(le bon) aura chassé st Nicolas(le nerveux) A bientôt sur la place de la paix le 11/11//11 moins que la SNCF te prenne en otage amicalement<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Mon cher Patrick,<br /> <br /> <br /> Comme dit Alain Minc, qui conseille les bons, les nerveux et les truands : «Le capitalisme<br /> est un pari sur le mouvement : c'est de là que vient le progrès.» ! A bientôt !<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />