Le cimetière sous les oliviers
Il va encore neiger, les températures vont descendre à – 4°C en Mer Egée, les goufaria du Bosphore recherchent des eaux plus chaudes et Amnesty dit que la vie de 27000 enfants réfugiés est menacée par cet hiver si rude. J'ai décidé de nettoyer la tombe d'Amalia. La minuscule tante facétieuse aurait 102 ans cette année et n'avait plus guère de famille. Certains neveux la croyaient riche et se sont, au tout début, un peu intéressés à l'affaire, puis plus rien. Les herbes folles avaient même commencé à s'en prendre avec succès aux fleurs artificielles. Amalia avait un nom bulgare grécisé par l'alphabet : ici le jeune ami, inconnu du village, venu assister aux σαραντα μερες μετα το θανατο a tout de suite été appelé « l'Arménien » , ici les trois petits enfants abandonnés dont parle la TV sont albanais. J'ai donc enlevé la croix de bois qui fait face au petit naos de la tombe orthodoxe et j'ai travaillé ; un rouge-gorge m'aidait, intéressé. Près de six ans après sa mort plus personne n'entretenait la flamme et les os blanchis étaient désormais insusceptibles de produire un feu follet. D'ailleurs ils seront bientôt enlevés comme on fait au village. N'empêche, dans le nécrotafio paisible et sous le regard de l'oiseau, j'ai un peu creusé ma tombe à deux pas de celle de mon ami.