"Pour un bébé de Ciment" Serge Pey - Joan Jordà
Serge Pey m’a offert un joli livre-spirale qu’il a fait avec son ami peintre, sculpteur et dessinateur Joan Jordà. Ce recueil s’intitule « Pour un bébé de ciment » et ce n’est pas un programme, mais peut-être une épiphanie (après tout : un bébé est un bébé!). Le cahier est sur mon bureau depuis trois semaines et permet de comprendre une assertion de Serge dans l’introduction : «je ne sais faire que des poèmes qui ne lisent que des poèmes» : le recueil est, en effet ouvert et magnifiquement là, sous mes yeux, on ne peut rien lui cacher mais il ne se manifeste que dans les moments, assez rares finalement, où je m’occupe de poésie. Et c’est l’heure !
Deux jumeaux
nous retiennent
par les lèvres
comme un seul pêcheur
avec une canne dans chaque main
Nous sommes nus
et notre écartèlement
partage la lumière
en deux puits
Mais si on nous retourne
à l’envers
nous regardons vers le ciel
en semant nos yeux
comme des billes
Le pommier cueille
ses propres pommes
car lui seul en a le droit
Rien ne s’arrête
Quand nous avons le dos tourné
les pommes mangent
un pommier caché
au fond du jardin
et qui hurle
à chaque premier soleil
Ceci
même si nous croyons être
seuls à manger des pommes
devant le Grand jardinier
qui lui aussi est une pomme
que nous éventrons parfois
pour voler son étoile fracassée.