OTAGES
Nos parcours commencent de la même façon : sa mère était descendante de Jean Chouan et j’ai, à quatre ans, joué le fils de Rouget le Braconnier au patronage Saint-Pierre. Il a vécu à Corps-Nuds où vit encore ma sœur, il a visité Gracq et j’ai fait le pèlerinage de Saint-Florent. Et puis, à 11 ans, j’ai subi, emmené dans ses bagages par le vicaire du village (un brave homme au demeurant), le même drame terrifiant, dont je découvre dans cet entretien que Flaubert l’avait décrit : « Quiconque a connu l’internat à 11 ans sait tout de la société ». C’est pourquoi rien ne m’étonne dans Betharram, ni dans Bayrou : j’avais les mêmes et pire à portée de baptême. Tout cela s’est brisé avec fracas à l’adolescence et n’a laissé du latin et du grec que des vestiges. Survivre et grandir parmi les prédateurs est un sport épuisant. Jean-Paul Kauffmann était apparemment plus fort que moi car la réputation de N.D d’Orveau était effrayante.
Mais ce qu’il dit du rapport à la lecture et de son caractère salvateur, je l’ai connu à ma petite échelle et avec les mêmes auteurs et magazines. Pendant les vacances d’été.
Mes amis Jacques Paris et Cécile Kohler, otages en Iran, ont maintenant dépassé le temps de détention de Jean-Paul Kauffmann. J’ai cru lire qu’ils avaient au moins un livre. J’espère. Je ne vois aucun Chirac à l’horizon, les rats d’égout courent les caniveaux, les journalistes sont encasernés, un génocide est en cours et, la nuit passée, les bombes israéliennes sont tombées bien près de mes amis de Beyrouth.
Je n’ai guère eu loisir de lire des écrits de journalistes. A cause de l’arme de la critique et de la critique des armes. Cet entretien me donne envie d’essayer, mais les enfants de Gaza, les prisonniers d’ Evin et les préparatifs de Diego Garcia hantent mes nuits. Ne manquez pas les rassemblements du 7 mai pour Jacques et Cécile.